Pour l’auteure Eli San, «la grossophobie est une violence concrète»
Dans son premier livre «Cet exécrable corps», la Québécoise dissèque la haine de sa propre enveloppe charnelle. Si les injonctions de la société la nourrissent, c’est de l’intérieur que naît la souffrance… et que vient la libération
Cet exécrable corps. Pour son premier livre, Eli San a choisi un titre provocateur. Et pour cause: questionnant la philosophie body positive ambiante, cette militante féministe, bibliothécaire et auteure québécoise y interroge et expose, de façon méthodique, crue et cruelle, sa haine envers son propre corps, une sorte de «vaisseau extraterrestre» dans lequel elle s’est sentie emprisonnée alors qu’elle avait pris du poids. Elle dit haut et fort son malaise, son malheur de ne pas se sentir attirante, l’angoisse de ses reflets dans le miroir et dans le regard des autres. Elle met à nu sa relation à ce corps qui lui échappe et auquel elle rêve d’échapper.
«Il m’empêche de me promener nue, même seule chez moi. Car il existe une entente implicite entre les grosses personnes et le reste de la société, qui stipule que nous devons tenter de cacher nos bourrelets…», écrit-elle. Ou encore: «Il gâche mes matinées à partir du moment où je dois m’habiller…» Au fil d’observations tranchantes, Eli San règle non seulement ses comptes avec le gras, mais aussi avec un monde qui semble être calibré pour les silhouettes sportives et sveltes. Une diatribe qu’elle pousse très loin pour comprendre l’origine de cette grossophobie dite «internalisée», s’en débarrasser et aider les personnes qui «bloquent au même endroit» dans le long processus d’acceptation de soi.