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En Suisse, femmes et hommes ont des opinions politiques de plus en plus divergentes

Les jeunes hommes se situent toujours plus à droite sur l’échiquier politique et les jeunes femmes de plus en plus à gauche, d’après une étude réalisée par l’institut de sondage Sotomo pour la «NZZ am Sonntag»

Le clivage entre hommes et femmes a été particulièrement visible lors de la votation sur la réforme de l'AVS  — © Martial Trezzini/Keystone
Le clivage entre hommes et femmes a été particulièrement visible lors de la votation sur la réforme de l'AVS — © Martial Trezzini/Keystone

Questions de genre, politiques sociales, protection de l’environnement… En Suisse, le fossé entre hommes et femmes ne cesse de se creuser autour des grands enjeux de société, révèle une enquête publiée samedi 27 mai par la NZZ am Sonntag (NZZ). Une situation qui se reflète dans leur posture politique. Les hommes se positionnent ainsi nettement plus à droite aujourd’hui qu’il y a dix ans, tandis que les femmes se déclarent davantage de gauche, surtout chez les plus jeunes.

L’article se base sur une étude spécialement commandée par le journal zurichois à l’institut de recherche Sotomo. Ce dernier a passé en revue tous les sondages d’opinion effectués à l’issue des votations en Suisse depuis 1990. A chaque fois, la même question était adressée aux sondés: à quel niveau vous situez-vous sur une échelle politique allant de 0 (extrême gauche) à 10 (extrême droite)? Les résultats montrent une claire évolution des réponses dans le temps.

Alors qu’en 2010, 35% des femmes âgées de 18 à 29 ans se positionnaient à gauche du centre, elles sont aujourd’hui 52% – soit une jeune femme sur deux. Chez les jeunes hommes, la tendance est inverse: aujourd’hui 43% d’entre eux se positionnent à droite du centre, quand ils n’étaient que 29% à le faire en 2010. Une évolution qui se retrouve aussi, de manière moins marquée, chez les personnes plus âgées.

Un fossé qui se retrouve lors des votations

Comme le souligne la NZZ, d’autres études avaient déjà montré que les femmes votent davantage à gauche que les hommes en Suisse. Cependant, d’après l’analyse de Sotomo, le fossé entre les sexes est de plus en plus marqué, et cela est clairement visible dans les votations, en particulier depuis 2015. Il y a ainsi eu une augmentation du nombre de cas où la majorité des femmes voulaient quelque chose de différent par rapport aux hommes.

L’exemple récent le plus marquant est celui de la réforme de l’AVS. L’année dernière, 64% des hommes ont voté pour relever l’âge de la retraite des femmes à 65 ans, contre seulement 38% des femmes. Lors des derniers référendums, les hommes se sont globalement dits plus favorables à l’armée et à la police, à une politique plus restrictive vis-à-vis des étrangers et à la libéralisation économique, quand les femmes se sont davantage déclarées en faveur de la protection de l’environnement et d’un Etat-providence fort, d’après Sotomo.

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Pourquoi le fossé politique entre hommes et femmes est-il de plus en plus béant? Pour la NZZ, l’explication serait à chercher dans le renouveau du féminisme, dans le sillage du mouvement #MeToo – qui a émergé sur internet en 2017 – et de la grève des femmes, qui a mobilisé plusieurs centaines de milliers de personnes en Suisse en 2019. De nombreuses jeunes femmes associent le combat féministe à des valeurs politiques de gauche. Une partie des jeunes hommes se tourneraient, en réaction, vers les partis de droite.

«Le thème est très émotionnel. Et le débat s’envenime de plus en plus», déplore Michael Hermann, de l’institut Sotomo, cité par la NZZ. Qui souligne cependant que, contrairement au clivage entre villes et campagnes, celui entre hommes et femmes paraît plus facile à dépasser, puisque ces deux groupes se côtoient dans tous les aspects de la vie, et ont ainsi de multiples possibilités d’échanger sur les thèmes qui les opposent.